Loi Travail : les mesures sur la durée du travail
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Projet de loi Travail : les mesures sur la durée du travail
Le projet de loi Travail étant définitivement adopté, nous vous proposons une série d’articles détaillant les changements opérés par ce texte.
Premier volet : la durée du travail
. En la matière, le projet de loi consacre la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche.
Son parcours politique et parlementaire a été mouvementé avec trois recours à l’article 49-3, sans compter une dizaine de manifestations syndicales réclamant son retrait.
Mais cette fois, ça y est : le projet de loi Travail a été adopté définitivement par l’Assemblée nationale, sans débat puisque le gouvernement, qui ne s’est pas vu opposer cette fois de motion de censure, a engagé mercredi 20 juillet sa responsabilité sur le texte.
La loi ne sera promulguée qu’à l’issue de son examen par le Conseil constitutionnel, saisi hier par 102 sénateurs Les Républicains. La saisine des sénateurs (21/7/2016) ne vise que l’article 64 instaurant une instance de dialogue dans la franchise, mais le Conseil peut décider de censurer éventuellement d’autres dispositions, ce que nous saurons courant août.
Nous vous proposons une série d’articles analysant les changements contenus dans cette loi.
Attention : la dernière version change la numérotation des articles (le fameux article 2 devient ainsi l’article 8, l’article 30 sur le licenciement économique devient l’article 67, etc.).
Ce texte volumineux (123 articles sur 243 pages) ambitionne tout d’abord de réécrire la partie du code du travail qui régit le temps du travail et les congés, cette réécriture séparant ce qui relève du principe (ou "ordre public"), de la portée d’un accord ("champ de la négociation collective") et des règles qui s’appliquent en l’absence d’accord ("dispositions supplétives"). C’est pourquoi nous vous détaillons dans ce premier article les modifications concernant la durée du travail, où la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche est consacrée.
Le travail effectif
Très peu de changements pour le travail effectif. Il est toujours défini par un nouvel article L. 3121-1 du code du travail comme le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
Comme aujourd’hui, les temps de pause et de restauration ne sont pas considérés comme du temps de travail effectif, et les temps d’habillage et de déshabillage doivent faire l’objet de contreparties, financières ou sous forme de repos, si le port d’une tenue de travail est obligatoire et si l’habillage ou le déshabillage s’effectue sur le lieu de travail.
De même, le temps de trajet pour se rendre sur son lieu de travail n’est pas en principe un temps de travail effectif.
Un nouvel article L. 3121-5 du code du travail prévoit cependant que "si le temps de trajet habituel de travail est majoré du fait d’un handicap, il peut faire l’objet d’une contrepartie sous forme de repos".
Le champ conventionnel est inchangé. La rémunération des temps de pause et de restauration, les contreparties au temps d’habillage ou de déshabillage ou leur assimilation à du temps de travail effectif et des contreparties lorsque le temps de déplacement professionnel dépasse le temps normal de trajet peuvent être prévus par accord.
A défaut d’accord, comme actuellement, le contrat de travail peut prévoir la rémunération des temps de pause et de restauration, comme les contreparties aux temps d’habillage et de déshabillage ou leur assimilation à du temps de travail effectif.
De même, les contreparties au temps de déplacement professionnel continuent à être déterminées par l’employeur après consultation du CE ou à défaut des DP.
Les astreintes et les équivalences
Leur définition reste la même (article L. 3121-9 nouveau du code du travail). Une modification a néanmoins été apportée sur l’information du salarié de ses périodes d’astreinte.
Il est dorénavant prévu que cette information soit effectuée dans un "délai raisonnable", alors qu’actuellement le salarié doit être prévenu au moins 15 jours à l’avance sauf circonstances exceptionnelles, auquel cas ce délai peut être ramené à un jour franc (article L. 3121-8 du code du travail). Ce qui signifie que l’accord collectif qui met en place les astreintes peut prévoir un délai de prévenance plus court. En revanche, à défaut d’accord le salarié devra être prévenu au moins 15 jours à l’avance sauf circonstances exceptionnelles ou ce délai pourra être ramené à un jour franc (article L. 3121-12 nouveau du code du travail).
Les modalités d’information des salariés sur leurs périodes d’astreintes seront fixées par un décret en Conseil d’Etat.
Les dispositions concernant les heures d’équivalence restent identiques (articles L. 3121-13 à 15 nouveau du code du travail). Seul un accord de branche peut les instituer, et à défaut, un décret en Conseil d’Etat.
Temps de pause
Le salarié bénéficie toujours d’un temps de pause d’une durée minimale de 20 minutes consécutives, dès lors que son temps de travail quotidien atteint 6 heures (article L. 3121-16 du code du travail nouveau). Des dispositions conventionnelles peuvent comme aujourd’hui fixer un temps de pause supérieur (article L. 3121-17 nouveau du code du travail).
Durée quotidienne maximale
La durée quotidienne maximale reste fixée à 10 heures.
Les dérogations possibles à cette durée, prévues aujourd’hui par les articles D. 3121-15 à 19, sont désormais listées par le nouvel article L. 3121-18 du code du travail. Cet article prévoit qu’il est possible de déroger à cette durée maximale en cas de dérogation accordée par l’inspecteur du travail dans des conditions déterminées par décret et, en cas d’urgence, dans des conditions déterminées par décret.
De même un accord d’entreprise ou d’établissement, ou à défaut une convention ou un accord de branche pourra toujours prévoir le dépassement de cette durée, à condition que ce dépassement ne porte pas cette durée à plus de 12 heures. La loi précise néanmoins que ce dépassement ne sera possible par accord qu’en "cas d’activité accrue ou pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise" (article L. 3121-18, 3° nouveau du code du travail).
Durée hebdomadaire maximale
La durée maximale hebdomadaire reste fixée à 48 heures (article L. 3121-20 nouveau du code du travail), 44 heures sur une période de 12 semaines consécutives.
Néanmoins, un accord d’entreprise pourra prévoir le dépassement de la durée hebdomadaire de travail de 44 heures sur une période de 12 semaines consécutives, à condition que ce dépassement n’ait pas pour effet de porter cette durée à plus de 46 heures sur 12 semaines. Cette possibilité n’existe aujourd’hui que si elle est autorisée par décret pris après conclusion d’un accord de branche (article L. 3121-36 du code du travail).
A défaut d’accord, le dépassement de la durée hebdomadaire de 44 heures sur une période de 12 semaines consécutives pourra être autorisé par l’autorité administrative dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’Etat, dans la limite d’une durée totale maximale de 46 heures. Le CE, ou à défaut les DP, donneront leur avis sur les demandes d’autorisation à ce titre et cet avis sera transmis à l’inspection du travail.
Heures supplémentaires
La durée légale du travail n’est pas modifiée et toute heure accomplie au-delà de 35 heures par semaine reste une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur correspondant.
Seules les majorations salariales des heures supplémentaires changent.
Le taux de majoration des heures supplémentaires sera fixé en priorité par accord collectif d’entreprise ou d’établissement et pourra être différent de celui fixé par l’accord de branche, ce qui n’est pas possible actuellement, sans toutefois pouvoir être inférieur à 10 %. A défaut d’accord, la majoration pour heures supplémentaires reste fixée à 25 % pour les 8 premières heures, les heures suivantes donnant lieu à une majoration de 50 %.
La contrepartie obligatoire sous forme de repos est inchangée. Qu’elle soit prévue par accord ou non, elle est fixée à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel pour les entreprises de 20 salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de 20 salariés.
Modulation du temps de travail
Dorénavant, à condition que l’accord de branche l’autorise, un accord d’entreprise pourra prévoir une variation de la durée du travail sur une période supérieure à un an, dans la limite de trois ans. Aujourd’hui, les horaires peuvent au plus être répartis sur une période égale à l’année (article L. 3122-2 du code du travail).
Si la modulation de la durée du travail s’effectue sur une période supérieure à 3 ans, l’accord prévoit une limite hebdomadaire, supérieure à 35 heures, au-delà de laquelle les heures de travail effectuées au cours d’une même semaine constituent en tout état de cause des heures supplémentaires dont la rémunération est payée avec le salaire du mois considéré.
A défaut d’accord, l’employeur pourra mettre en place, dans des conditions fixées par décret, une répartition de la durée du travail sur plusieurs semaines :
dans la limite de 9 semaines pour les entreprises employant moins de 50 salariés ;
dans la limite de 4 semaines pour les entreprises de 50 salariés et plus.
Cet aménagement unilatéral par l’employeur existe actuellement, mais dans la limite de 4 semaines (article D. 3122-7-1 du code du travail).
Conventions de forfait en heures ou en jours sur l’année
Les forfaits en heures ou en jours sur l’année seront toujours mis en place par accord d’entreprise ou d’établissement, ou à défaut par accord ou convention de branche.
Les clauses obligatoires de ces accords, qui sont actuellement au nombre de trois (catégories de salariés susceptibles de conclure une convention de forfait, la durée annuelle de travail à partir de laquelle le forfait est établi, et les caractéristiques principales de ces conventions) passent à cinq.
Sont ajoutées : la période de référence du forfait, qui peut être l’année civile ou toute autre période de 12 mois consécutifs ; et les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées ou départs en cours de période (article L. 3121-64 I, nouveau).
Par ailleurs, l’accord autorisant la conclusion de conventions de forfait en jours déterminera (article L. 3121-64 II, nouveau). :
les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge du salarié ;
les modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur sa charge de travail, et l’articulation entre sa vie personnelle et professionnelle, sa rémunération et l’organisation du travail dans l’entreprise ;
les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion.
A défaut d’accord sur les deux premiers points, une convention individuelle de forfait-jours pourra être conclue si l’employeur :
établit un document de contrôle des jours travaillés ;
s’assure que la charge de travail du salarié est compatible avec les temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
organise une fois par an un entretien avec le salarié pour échanger sur sa charge de travail, l’articulation entre sa vie personnelle et professionnelle, et sa rémunération (article L. 3121-65 nouveau).
A défaut de stipulation dans l’accord sur le droit à la déconnexion, les modalités d’exercice par le salarié de ce droit seront définies par l’employeur et communiquées par tout moyen aux salariés concernés.
Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, ces modalités devront être conformes à la charte d’utilisation des outils numériques.
Par ailleurs, des mesures sont prévues pour les accords existants : les nouvelles clauses rendues obligatoires par la loi (période de référence du forfait, conditions de prise en compte des arrivées, départs ou absences en cours de période, et le droit à la déconnexion) ne s’imposeront pas aux accords déjà conclus ;
pour les accords qui seront révisés pour se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions du code du travail, il n’y aura pas lieu de requérir l’accord du salarié pour poursuivre la convention de forfait en heures ou en jours ;
les conventions individuelles de forfait-jours existantes continueront de produire effet, dès lors qu’elles respectent les dispositions du nouvel article L. 3121-65 précité ; de nouvelles conventions de forfait pouvant également être conclues sur les bases de ces accords.
Travail de nuit
La définition du travail de nuit est réécrite. Sera dorénavant considéré comme travail de nuit tout travail effectué au cours d’une période d’au moins 9 heures consécutives comprenant l’intervalle entre minuit et 5 heures (article L. 3122-2 nouveau du code du travail), alors qu’actuellement l’article L. 3122-29 du code du travail précise que "tout travail entre 21 heures et 6 heures est considéré comme travail de nuit", cette période devant inclure l’intervalle entre minuit et 5 heures.
Les autres dispositions concernant le travail de nuit : statut du salarié travailleur de nuit, durées quotidienne et hebdomadaire de travail, contreparties au travail de nuit, les dispositions applicables aux établissements de vente au détail de biens et de services situés dans les zones touristiques internationales... ne sont pas modifiées.
Par ailleurs, pour être mis en place, le travail de nuit nécessite toujours un accord collectif. Il peut s’agir d’un accord d’entreprise ou d’établissement ou d’un accord de branche, et non plus d’un accord de branche étendu. Le contenu de l’accord est précisé par le nouvel article L. 3122-15 du code du travail.
L’accord prévoit :
les justifications du recours au travail de nuit ;
la définition de la période de travail de nuit, conformément à la nouvelle définition détaillée ci-dessus ;
une contrepartie sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale ;
des mesures destinées à améliorer les conditions de travail des salariés ;
des mesures destinées à favoriser l’articulation de leur vie professionnelle et familiale ;
des mesures destinées à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment pour l’accès à la formation ;
l’organisation des temps de pause.
A défaut d’accord, la mise en place sur autorisation de l’inspection du travail perdure.
Travail à temps partiel et travail intermittent
Les dispositions concernant le temps partiel sont inchangées. La durée minimale du travail est toujours de 24 heures par semaine et seul un accord de branche étendu peut permettre de déroger à cette durée.
La possibilité de compléments d’heures par avenant ne reste également possible que si un accord de branche étendu l’autorise.
De même, pas de changements pour le travail intermittent qui n’est possible que si un accord le prévoit. A défaut d’accord d’entreprise ou d’établissement, un accord de branche étendu reste nécessaire.
Repos quotidien
La possibilité de déroger au repos quotidien de 11 heures consécutives demeure dans les mêmes conditions.
Elle est possible, dans des conditions déterminées par décret : en cas d’urgence, par accord d’entreprise et en cas de surcroît exceptionnel d’activité.
Jours fériés, 1er mai et journée de solidarité
Pas de changement sur ces points.
Loi Travail définitivement adoptée (articles 8 et 12)