SUD-Solidaires : un syndicalisme de lutte et de transformation sociale
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Un syndicalisme de résistance
En janvier 2009, le président français Sarkozy s’est lancé dans une attaque haineuse contre le syndicat SUD des cheminots, accusé d’avoir paralysé totalement une des principales gares parisiennes et la desserte d’une partie de la France. Depuis, la centrale « Solidaires », dont font notamment partie les syndicats SUD, est périodiquement accusée par certains journalistes, politiciens ou bureaucrates syndicaux d’être à l’origine des formes radicales de luttes qui se développent en France.
En fait, participent à ces actions des militants appartenant à diverses centrales syndicales ainsi que de nombreux non-syndiqués. Si des formes radicales de luttes se développent en France, c’est avant tout parce que les travailleurs doivent faire face à une attaque de grande envergure entraînant fermetures d’usines, suppressions d’emplois, blocage ou baisse des rémunérations, remise en cause de la protection sociale, etc. Et cela au moment où les dirigeants des grandes compagnies empochent des sommes considérables.
La permanence d’une tradition de luttes de classes
Celle-ci provient en partie du fait que chaque français a connu, au moins une fois dans sa vie, des grèves paralysant partiellement ou totalement le pays. La mémoire des grèves générales de 1936 et 1968 s’est perpétuée aux travers des grèves sectorielles de longue durée comme celles 1974, 1995, 2003 ou 2007, ainsi que par les mobilisations périodiques de la jeunesse. De telles luttes ont contribué à maintenir vivante au sein d’une partie de la population, l’idée qu’un autre monde était possible, débarrassé de l’exploitation et de l’oppression.
Face à la permanence de cette radicalité, la bourgeoisie a été contrainte d’accorder non seulement une série de droits sociaux, mais également d’inscrire dans la Constitution la reconnaissance du droit de grève à tout regroupement de travailleurs, qu’il soit représenté ou non par une organisation syndicale. Bien sûr, cela n’empêche pas ultérieurement le licenciement de grévistes pour d’autres motifs, en particulier dans les petites entreprises. Mais du strict point de vue légal, il est possible aux travailleurs de partir en grève à tout moment [1].
Cette situation a facilité la construction de courants syndicaux radicaux en France, qui ont à leur tour entretenu ces traditions de lutte de classes.
La naissance d’un syndicalisme alternatif
Pendant longtemps, le courant d’opposition syndicale d’où sont issus les syndicats SUD a surtout existé au sein de la centrale CFDT [2].
En 1988, lors d’une grève massive d’un secteur de la poste dans laquelle les décisions étaient prises en assemblées générale, la direction nationale de la CFDT a exclu son syndicat parisien. Très peu des militants sanctionnés étaient prêts à rallier une autre centrale. Pour continuer à développer un syndicalisme de combat, ils/elles ont alors décidé de créer une nouvelle organisation syndicale dans les postes et télécommunications. Le sigle SUD qui a été retenu reprenait trois des principales valeurs que nous entendions promouvoir :
S comme « solidaire » pour indiquer que nous voulions construire un syndicalisme ne se limitant pas à une profession donnée, mais agissant également avec les salariés des autres secteurs. Un syndicalisme recherchant des alliances avec les autres syndicats et les mouvements sociaux : droits des femmes, des immigrés, des mal-logés, des chômeurs, etc. ;
U comme « unitaire », pour indiquer notre volonté d’en finir avec le sectarisme entre organisations, et pour chercher au contraire à agir en commun. Cette volonté d’unité ne se limite pas aux autres organisations syndicales, mais s’étend aux associations et partis politiques, comme cela a été par exemple le cas en 2005 lors de la mobilisation contre le projet de Traité européen.
D comme « démocratique », pour laisser aux travailleurs eux-mêmes la maîtrise de leurs luttes et pour combattre toute forme de bureaucratie au sein du syndicat. Cela passe par l’absence d’avantage matériel pour les dirigeants syndicaux, et une limitation dans le temps de leurs responsabilités.
Les différentes opinions doivent pouvoir s’exprimer dans l’organisation, en cherchant ensuite à dégager les points sur lesquels un consensus au moins partiel peut être obtenu.
Ces trois valeurs ne peuvent être mises en œuvre qu’en construisant un syndicalisme rigoureusement indépendant de l’Etat. Pour la même raison, nous refusons toute subordination envers un parti [3].
Rapidement après sa création, ce premier syndicat SUD est devenu la deuxième force au sein de la poste et des télécommunications.
Solidaires : une nouvelle centrale syndicale
Sur le même modèle que dans la poste et les télécommunications, des syndicats SUD se sont par la suite constitués dans d’autres secteurs, comme par exemple dans la santé et les chemins de fer.
En 1998, les différents syndicats SUD se sont regroupés avec des syndicats qui n’étaient affiliés à aucune centrale, dont notamment le principal syndicat des impôts. Il en a résulté la création de la centrale Solidaires. Celle-ci regroupe à ce jour quarante quatre syndicats nationaux du secteur privé et du secteur public, dont les structures locales coopèrent au niveau des villes et des régions.
Solidaires organise aujourd’hui plus de 90 000 salariés, ce qui en fait la cinquième force syndicale [4].. Une partie de la force de Solidaires vient de sa place dans des secteurs comme la poste, les télécommunications, les chemins de fer, les impôts, la santé, ainsi que ses liens avec de nombreux mouvements sociaux.
Les grandes orientations de Solidaires
Outre les luttes sur l’emploi et les salaires, un des principaux axes de Solidaires concerne la défense et l’amélioration des services publics, qui jouent traditionnellement en France un rôle important dans la redistribution des richesses.
Nous combattons également l’offensive contre les systèmes de Sécurité sociale et de retraite qui cherche à remettre en cause les principes de solidarité, et développe la précarisation et de l’exclusion.
Solidaires est partie prenante d’associations luttant pour les droits des femmes, des travailleurs immigrés, des mal-logés, etc.
Le syndicalisme de Solidaires cherche à combiner la lutte quotidienne sur des objectifs limités, et les luttes d’ensemble visant à développer un rapport de force global. Pendant les grandes grèves pour la défense des retraites, nous avons systématiquement cherché à coordonner les luttes au niveau national. Toute l’expérience du mouvement ouvrier démontre en effet que seules des mobilisations d’ampleur étaient simultanément en mesure d’arracher des réformes et d’ouvrir la voie à un monde débarrassé du capitalisme.
« Prolétaires de tous les pays…. »
De la même manière que notre action ne s’arrête pas aux portes de l’entreprise, celle-ci ne se limite pas aux frontières nationales.
Face à un capitalisme mondialisé, la lutte pour un autre partage des richesses doit nécessairement être posé au niveau européen et mondial. Solidaires est sans doute l’organisation syndicale française la plus impliquée dans l’altermondialisme et les forums sociaux. Nous cherchons naturellement à établir des collaborations avec les syndicats et mouvements sociaux des autres pays, particulièrement là où nous affrontons les mêmes multinationales.
* Ecrit pour et paru en traduction anglaise dans ISR Issue 66, July–August 2009.
* Alain Baron a participé à la création de SUD-PTT. Il est membre de la commission internationale de Solidaires.
[1] Une restriction légale a toutefois été instituée dans les services publics et les administrations avec l’obligation pour les syndicats de déposer un préavis plusieurs jours avant. Mais, lorsque le rapport de forces est suffisant, cette limitation du droit de grève n’est pas toujours respectée ;
[2] En France, sur un même lieu de travail, chaque salarié a la possibilité d’adhérer au syndicat de son choix.
[3] Un certain nombre de militants sont membres ou anciens membres de divers courants politiques de la gauche contestataire (libertaires, socialistes de gauche, ex-maoïstes, trotskystes, NPA, écologistes, etc.). Mais ils le sont à titre individuel et ne peuvent pas s’exprimer au nom de leur parti s’ils ont des responsabilités dans le syndicat.
[4] Les deux principales centrales sont la CGT et la CFDT qui comptent environ 8 fois plus de membres que Solidaires